la lune invisible.

Je réutilise des vieilles playlists pour faire la soundtrack de nos baises – ou c’est ma voix, la tienne, des cris puis des gémissements pas tant lisses – on se dit aussi souvent je t’aime, au travers des heures qui disparaissent, organiques, profondes, juteuses. On se frenche intense, je me perds dans les méandres de mon corps qui sait plus trop comment recevoir du plaisir, à force d’avoir encagé mon désir pour pas qu’il vire hors de contrôle – ça fait des mois qu’on est pris en dedans, aussi, la putain de pandémie tu dis, on attend le printemps qui revient pas trop vite et la glace fond. Mouille goutte à goutte, neige molle, coup d’eau. Et moi avec. Tu me lèches pendant des heures, tu dis que je goûte différent selon comment je m’excite, et la texture changeante – umami de ma chatte.

On baise encore high, l’histoire de ma vie – ou peut-être était-ce un autre, cet autre dont je fais patiemment le deuil, encore surprise de trouver sa trace tristesse jusque dans les replis de mon sexe humide – l’amour sous substances qui font et défont les liens d’énergie – décrissent nos barrières, aplanissent les fibres de mon ventre, alimentent les images dans ma tête lorsque tu me serres fort en cuillère. Pour me protéger, tu dis. Le THC me dessine des ailes – tes ailes – et je m’envolerai presque si j’avais pas tant le vertige.

J’y crois un peu, parfois, souvent, à ce que tu me racontes et la sécurité qui se construit semaine après semaine, ça fait que quand je reviens à moi après j’ai plus le goût de laver mon linge parce qu’il sent ton parfum et que ça ranime ta présence à chaque inspire. Sucré, comme ta peau tes lèvres ton jus. Je

t’aime en criss

ponctue mes phrases de ces mots qui sont pas ma culture, absorbée comme l’île par le Fleuve depuis toutes ces années j’en ai fait ma musique en dedans – laisser couler les mots comme ils sonnent, rauques et drus, les diphtongues et les accents toniques m’échappent encore. Mais je sais crier fuck me quand j’orgasme, bilinguisme oblige.

Je sais pas où ça commence, encore moins où ça se termine. Je te raconte comme j’en ai raconté tant d’autres, croyant à chaque fois que ce serait le dernier, l’ultime. On s’en fout rendus ici, tout ce qui compte c’est le voyage, l’amour est un mot qui me rend docile et te permet de me posséder à l’occasion, safer container to support growing edges. On joue, tu mords, je jouis, l’effet du weed s’estompe. Il est temps de rentrer chez moi te rêver à nouveau.

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une île.

Oh, et puis je voulais te dire, je t’aime. Je l’ai retenu cent fois, peut être plus, alors qu’on marchait sur cette plage, du sable plein mes chaussures et le vent dans mes cheveux. Je l’ai crié dans ma tête assez fort, noyée sous la tendresse de tes baisers, perdue dans l’océan de tes yeux, soumise à la décision de tes doigts entre mes cuisses, tes mains sur ma peau, tes lèvres sur mon corps, ton corps si près du mien. Je l’ai pris comme une évidence, à la seconde où tu es apparu sur ce quai de gare, l’instant où je suis descendue du train, ou peut être un peu plus tard, lorsque sur les bords de l’Erdre on s’est parlé de tout et de rien retrouvant le goût des conversations d’il y a trop longtemps. Ou c’était dans tes draps, tes mains jouant à dénuder mon corps et découvrir ma peau, ton odeur familière, tes baisers maladroits, l’assurance pourtant de se connaitre par coeur – mais j’avais peur, si peur, et je t’ai dit, j’ai froid, je suis fatiguée, j’ai tellement été sollicitée que je me sens vide à l’intérieur, alors je sais pas, ce que je peux t’offrir, je sais plus trop qui on est, ce qui reste, nous – et tu as posé tes mains sur moi et ton corps pour me réchauffer et chuchoter des mots tendresse et des mots désir, et puis on a fait l’amour, doucement, et je me suis souvenue de ce que ça voulait dire, faire l’amour, le sens de tout ça, ta queue dans ma bouche, ta bouche sur mes seins, tes mains sur mon cul, ta queue dans mon ventre, mes cris, le parfum de ta peau, ta façon de me toucher, et de m’embrasser, et de me regarder, et soudain j’étais belle à nouveau, et soudain j’étais vivante, et soudain j’étais pleine – pleine de toi, et ton orgasme, et le plaisir partout qui coule entre mes jambes, et putain. Je me suis souvenue ce que c’était, ce truc immense qui nous emportait tous les deux, je me suis souvenue ce que c’était le sexe sans alcool, sans drogue, sans artifice ni déguisement, le sexe qui fait des frissons en dedans et mouille mon désir si fort, le sexe où je peux ouvrir les yeux pour exister dans le présent. Je me suis souvenue que c’était réel, que j’en étais capable, que ça avait du sens tout à coup, que ça pouvait m’arriver à nouveau. J’ai voulu crier encore mais ma voix s’est brisée dans ma gorge, et j’ai même pas pleuré, on s’est juste regardés sans rien dire, et puis.

On a pris la voiture et t’as oublié de fermer la porte et on a roulé en discutant de la vie et de politique et de ton avenir et de là où je vis, et puis on a traversé un bout d’Océan comme pour s’en rapprocher un peu plus, et on est allés sur la plage, marcher, il y avait du vent, et des cailloux et je souriais parce que c’était beau et que toi aussi, t’étais beau avec tes yeux pépites et tes tâches de rousseur, et j’avais constamment envie de ta bouche et de nous rouler dans le sable comme on faisait avant, mais j’ai pas osé parce que j’avais peur, peur de trop en faire, peur de t’étouffer, peur que tu ne comprennes pas alors on a fait des ricochets et j’avais envie de crier au monde que j’étais bien avec toi, à faire des ricochets tout croches sur une marée montante et des vagues ridicules, mes Vans pleines de sable et les cheveux dans les yeux, j’avais envie de te dire de plus jamais repartir, plus jamais me faire ça parce que merde regarde on est si bien à deux – mais j’ai rien dit, c’était moi cette fois qui était de passage, moi qui allait repartir, moi qui savait plus croire pour deux. Plus tard on est rentrés et on a parlé de voyage et je t’ai dit que je voudrais voyager, c’est à cause de toi tout ça, et tu m’as dit que j’étais un peu chiante quand même et t’avais raison et je sais que je serais capable de supporter n’importe quoi pour être avec toi dans un ailleurs commun. La chambre d’hôtel était blanche, on a baisé sur le lit, tu as pris mon cul parce que c’était comme ça et j’ai crié trop fort, ta bite en dedans et mes doigts sur mon clito et ta bouche partout et l’orgasme, on a dormi un peu et il était le soir avec une si jolie lumière dans la chambre – j’ai pris ce selfie où on m’a dit que j’étais belle mais j’étais juste heureuse, juste bien, juste là au présent près de toi endormi, de ce toi qui me laisse être moi toute entière et qui sourit à mes blagues débiles en embrassant mon cul. Le resto était bon, on a parlé politique, encore, et sans même s’engueuler, et j’ai pensé que tu avais mûri, et que je m’étais calmée, et qu’on arrivait finalement à se trouver dans ce quelque part au milieu de nous deux, après l’addition on a marché une heure encore il faisait presque frais et l’iode qui collait à nos cheveux et les discussions sans fin nos pieds crissant sur les graviers. Et puis encore la chambre où j’ai massé ton corps et avalé ta queue, et le sexe encore si fort, une douche brûlante pour la nostalgie des printemps passés.

Lendemain déphasé où on ne compte plus les heures, la route au milieu des champs et des marais et la boule qui grossit dans mon ventre, le sexe encore si tendre alors que mon ventre brûle, s’endormir l’un contre l’autre comme une habitude jamais perdue. Les ruelles de la ville observent nos mains s’attraper, on parle pour meubler le vide, assis sur un quai tu fais celui sur qui tout glisse, je te connais, je crois, je te sens là, quelque part, pas si loin – je dis tu viendras me voir mais je sais bien que non, je sais bien le champ des possibles, je sais bien que je vais devoir apprendre à nouveau à t’oublier – parce que c’est ainsi. Des kilomètres jusqu’au bord d’un lac pour un dernier baiser, le ciel si près des nuages, si près de cette immense flaque d’eau, si près des oiseaux qui s’envolent silencieux – je crois qu’on ne veut plus rien se dire et les mots gueulent encore dans ma poitrine mais je me tais et on marche doucement sur ce chemin boueux pour retourner à la voiture, une aigrette blanche à travers les arbres, si près qu’on pourrait la toucher.

Un aéroport, comme une habitude, des au revoir dans lesquels on ne sait pas se dire adieu. J’observe ton dos s’éloigner en enregistrant ma valise, et je me souviens de ce qu’on se disait il y a un an – faut pas pleurer – et je ne pleure pas mais quelque chose en moi a brûlé trop fort, je te sens encore bouger entre mes reins, ton parfum sur ma veste, ton odeur sur ma peau. Le temps n’a plus vraiment de consistance, tout s’évapore alors que j’observe la terre s’éloigner, et je pense à toutes ces villes qui vues d’avion ressemblent à des îles une fois la nuit tombée.

Mon île à moi m’attend, je rentre chez moi. Ou chez nous. C’est selon.

Je t’aime encore, ou à nouveau, comme depuis des mois, je me tais.

voyage.

Tes doigts sur ma peau, ta main, délicatement dégage la mèche de cheveux derrière mon oreille, tes lèvres dans mon cou. Respire.

Tu m’inspires

Ça

.

Regard clos sur la lenteur de tes gestes, tu m’embrasses encore, si doux, tendresse

Je me sens gauche et fragile dans tes bras, maladroite de ne plus savoir comment toucher un autre, tu m’intimides un peu j’avoue.

Faire l’amour, tu dis, moi je dis baiser, tu vois tes mots à toi racontent une histoire différente de la mienne, alors je veux m’inviter dans ton monde et inventer la suite avec toi. Me perdre, quelques heures dans ta bulle, deshabillée par ton regard sous la jungle de ton salon.

J’aime la façon dont tu respires

Il ya des phrases comme ça qui débutent une histoire, parfois, ou restent suspendues sublimes, figées dans l’éphémère infini de ma mémoire. Et je fais rouler ces perles encore et encore, chaleur dans mon ventre, souffle court, pensées humides

Il y a en toi des choses de plusieurs filles que j’ai aimées

Alors je vacille un peu, en dedans, mais juste assez pour me retenir. Troublée. Je veux croire que tu sais comment viser juste dans ton authenticité. Même s’il n’y a pas de rôles dans cette scène, juste moi qui parle trop, et ton corps, déposé sur le mien.

Je te veux je crois, ou tu décides, je veux ta bouche et tes mains tes doigts dans le fond de mon ventre peut-être, tes longs doigts qui attrapent ma nuque, je veux, ton torse contre mon dos tes mains sur mes fesses mes hanches, t’avaler, cambrée, me perdre, je veux, encore un peu, de ta

réalité