La nuit, encore, il fait froid, mon pantalon fait du bruit en marchant – scritch scritch – autour de nous la foule. Je tire une latte, deux, dix, quelques gorgées de bière pour faire passer le tout – ta bouche, ton regard sur moi, les mots que tu glisses à mon oreille – on ne chuchote pas, la musique est trop forte, on se laisse porter par les gens dehors, vague humaine insouciante, il neige au dessus de nous et c’est tellement beau. Embrasse-moi, encore, tu dis, c’était bien, cette nuit, je sais, tu dis, on rentre maintenant, je te suis. Métro, mon pantalon fait du bruit en marchant – scritch scritch – tu me racontes que tes colocs ont entendu mes cris, je souris, dois-je me taire, non, tu dis.
Ton lit. Matelas défoncé, les ressorts sous ma peau, un joint pour gagner de l’altitude, ça fait longtemps que j’ai pas baisé aussi haut. La musique, I wish you were here, je n’y pense même pas, à lui ailleurs – si loin, trop loin – j’y penserai plus tard, alors que le refrain, alors que je crie, alors que je suis partie. Tes mains, très vite, ta bouche, mes seins. Je n’ai plus mon pantalon, plus de bruit – scritch scritch – sinon celui de nos respirations, attrape-moi comme si c’était ce qu’on avait toujours attendu – ta queue, ta langue, tes doigts. Je suis souple, cambrure, tu sais, tes mains entre mes cuisses, mon cul.
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Plus tard. Si tu veux m’atteindre il faut savoir me toucher en dedans. Tu sais. Quelque part quand tu as joui et que j’ai senti les vibrations dans mon ventre j’ai retrouvé ce sentiment si familier, ce cri dans ma tête immense, cette révélation. Baise-moi, pour mieux me (com)prendre, même si rien n’a de sens pour nous deux. Je pense soudain à ces mots étranges que tu as prononcés – je peux être moi-même, avec toi – et j’aime comme tu me baises, et tu dis qu’on fait l’amour, c’est si touchant. Je me suis laissée atteindre au plus profond, alors – lorsque j’ai ouvert mon cul à ta queue pour que tu ailles toujours plus loin – l’orgasme saisissant, inattendu, je ne me souviens plus de grand chose sinon de l’onde de chaleur – le souffle court, le cri qui ne sort plus faute d’être capable d’exprimer la sensation. Quelque part la tendresse de cette amitié étrange, on sort de là rompus de fatigue et frissonnants, le lit grince, j’ai encore crié trop fort, tu me regardes et tu ne dis pas grand chose. Il n’y a rien à dire de plus. Je ne sais plus trop, pareil, c’était bon, j’ai aimé ça ta langue entre mes lèvres et tes doigts dans mon ventre, j’ai aimé ta queue, te lécher, te sucer, te caresser, j’ai aimé me cambrer plus encore, le lâcher-prise, m’oublier dans l’instant. Ne plus penser, ne plus savoir, ne plus comprendre – les sensations, la confiance, le présent qui explose dans mon ventre et mes seins et ma nuque et ton souffle court qui observe mon plaisir, est ce que tu me sens ….
venir
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Tu es si loin je t’ai vu te connecter pour voir, je t’ai vu fouiller à la recherche de ce que tu ne contrôles plus, je sais, tu es loin, encore, j’aurais tant aimé te laisser mon cul en offrande mais le plus terrible c’est que lui aussi le méritait. Qu’il m’a baisée comme jamais tu ne l’aurais fait. Que j’ai crié encore, ivre d’herbe et de fatigue, et que je m’en suis allée. Je pourrais te dire merci, indirectement. Je ne sais plus. Je me perds multiple, dans la tendresse attentionné de l’un et les coups de reins d’un autre, en altitude, le froid s’efforce de nous le faire oublier mais ce sera bientôt l’été, je pense à lui aussi qui me manque, et dans ce ballet immense, je ne sais plus qui tu es.
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Alors j’ai pris un taxi pour rentrer, il ne neigeait plus, la ville est vide, j’ai traversé ma rue à pieds. Cette nuit en parenthèses, mes jambes usées d’avoir trop dansé, mon corps crevé d’avoir trop baisé, ma gorge brûlée de mes cris. Je me suis effondrée.
rideau