performers
Assise dans cette cuisine, je laisse tomber mes yeux sur le catalogue du Suédois. Elle tombait amoureuse comme on tombe d’une chaise, je pense. Je ne sais plus qui a dit ça, un jour, et c’était très juste. Je ne tombe pas des chaises – je crois, j’ai un bon équilibre quelque part, perchée sur des talons et des escaliers de fer je tiens debout, sur une barre de pole, allongée sur une table, enfoncée sur
un pieu.
Le chat, le laptop, toujours ce même ballet. Un papillon de nuit a traversé la fenêtre, s’écrase contre la vitre, le chat tente de l’attraper. En vain.
La nuit tes doigts s’enlacent autour de mon cou, tes mains retrouvent la fraîcheur de ma peau, resserrent. La nuit j’envoie des messages masqués à des amants anonymes. La nuit je joue, le rôle qui me fera celle. J’ai mal au ventre, un peu, les jambes flageolent, la peau frissonne sous l’air froid, sous les assauts de tes mains. Chercher le regard qui me rendra belle, intéressante, exceptionnelle. Chercher le moment de rupture où je serai l’unique au présent. Chercher le cri qui vient du fond de la gorge, la cambrure ultime, le coup de reins dont viendra la délivrance. Alors parfois dans leurs yeux humides je me sens reine, noyée dans la multitudes de leurs amantes et des corps découverts j’ai la sensation de faire la différence.
A quoi bon. Se cambrer un peu plus pour sentir au plus profond, montrer la meilleur part de soi-même, capturer les dernières réticences.
Un papillon de nuit, à se brûler les ailes, se faire bouffer par un chat. Alors la peau scintille, sublimée par le plaisir, dans un râle incertain. Alors l’humide s’exhibe, le soubresaut secoue les derniers instants. Avant que tout retombe. Avant qu’on ne se sépare. Avant la fin.
La porte se referme sur une étreinte usée. La chambre est vide, les draps froissés. Quelques larmes lâchées entre deux soupirs. Le chat, lui, est toujours là.
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photo Bianca Serena Truzzi