Dans le train des kilomètres qui me séparent de la capitale, business, voiture presque vide. Quelques attaché-case qui regagnent l’Île, les serveurs, et moi. Mes seins libres sous ce top en soie noire, tu dis, je peux voir ? Des photos, un téton fatigué, mon ventre fatigué, ma peau fatiguée. D’un long week-end, avaler les kilomètres d’un bout à l’autre de l’Etat, je m’endormirais bien dans le roulis du train et à la place je laisse se perdre mon regard sur un écran d’ordinateur, des lignes de tableaux, des cases à remplir de contenus.
Je pense à toi, toujours, nos mots qui ricochent entre deux vibrations de smartphone, des mots qui envahissent le calme de la voiture. La moquette au sol, je marche pieds nus jusqu’aux toilettes, regarde, on pourrait baiser là, c’est plus grand, et ça pue moins, les chiottes de classe affaire. Ou tu pourrais juste glisser ta main sous ma jupe et caresser ma cuisse, avec cette fille au sac à dos et aux yeux gris qui nous regarde depuis le siège dans la diagonale.
On pourrait prendre un train de nuit, laisser les kilomètres de rails endormir nos esprits fatigués, adoucir l’ennui à force de paysages, d’arbres par milliers, de ce fleuve immense qu’on poursuivra jusqu’à l’Océan.
Alors on enlèvera les souliers de notre vie de tous les jours et on ira marcher sur le sable – ce sera froid, gelé, je crierai un peu pour le principe, parce que crier ça fait du bien parfois, ça aide à se sentir vivre.
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Le train entre en gare, il pleut sur la ville, la skyline détache ses lumières sur la montagne. Personne ne m’attendra sur le quai.
Je me demande si j’aimerais qu’on s’attende quelque part, juste une fois, pour voir. Jouer les retrouvailles comme si c’était la première, et la dernière fois. S’embrasser à pleine bouche dans un endroit qui n’a de sens pour aucun de nous, un souvenir qu’on forgera à coup de baise et de murmures, de cris et de respirations, de nuits blanches et de jours bleus, qu’importe.
On se retrouvera, dis-tu, mais où.