C’est sur cette photo que tout bascule. Autoportrait en noir et blanc, visage fatigué, traits tirés cigarette consumée barbe de trois jours et chemise froissée. Ou c’est tout autre chose. Visage froissé, autoportrait consumé de trois jours cigarette fatiguée en noir et blanc, et barbe tirée sur une chemise.
C’est ton regard sur ce cliché, la manière dont tes épaules tombent, la nonchalance de cette clope allumée dans le vide. J’imagine le goût de ta bouche et les mains qui accompagnent la lenteur du mouvement de tes bras qui tombent. De mes pensées je caresse le grammage de tes joues contraste accentué ; je plante mon regard dans tes yeux iso 400 comme un air de Gainsbourg, en tellement plus beau.
Soudain, tu te lèves de ce tabouret de bois où tu étais assis. Tu me dis, ou tu ne dis rien, tu ordonnes et c’est l’espace tout entier que remplit ta présence. L’air se pause – minutes suspendues à ta bouche. Je n’ose plus un mouvement.
Ta main sur ma nuque, tu portes l’autre à tes lèvres pour aspirer la fumée blanche et y déposer le filtre de papier roux. Redresse mon dos, alors, tu me cambres un peu plus. Un noeud, puis l’autre, pour resserrer les liens qui définissent les dessins que tu as créés sur ma peau ; je tremble un peu ; tes doigts habiles sculptent la forme de mes seins ; adoucissent l’angle de mes reins ; retendent l’écart entre mes chevilles. Je me détends soudain alors que ta main glisse entre mes cuisses – rendue muette par ce bâillon, je gémis doucement.
Ta main s’écarte – c’est l’autre, la cigarette termine de se consumer dans le cendrier de la table basse – ta main s’écarte et je sens l’air se déplacer autour de ma hanche, le léger mouvement de l’espace que tu traverses, la place qu’occupe le vide où tu étais l’instant d’avant.
Claque.
Je crie muette sous la soie qui recouvre ma bouche. Yeux fermés pour apprécier la chaleur qui irradie désormais mon cul, remonte jusque dans mon ventre.
Claque.
Encore. Souffle coupé par l’intensité abrupte de cette suivante, captive des cordes qui m’arriment, je laisse mon corps absoudre la douleur pour laisser place aux sensations. Ta main qui caresse la rougeur de ma fesse. La douceur qui se répand pour calmer le feu de ma peau.
Claque. Claque. Claque.
Je ne sais plus si je souffre ou si je crie la délivrance que m’accorde ton attention. Alors que tes doigts se glissent entre mes lèvres humides je gémis à nouveau. Prends-moi, je voudrais te dire, soulage le désir dans mon ventre, libère enfin ce qui me trouble, cesse de me torturer un instant.
Claque encore. J’ai eu le temps de respirer, de sentir le mouvement qu’oppose la tension de la corde qui m’immobilise. À l’endroit de ta main se dessinent les contours de tes doigts, je sens la douceur de ta paume recouvrir la brûlure de la gifle. Je suis humide encore alors que tes doigts s’introduisent au plus profond, je pourrais jouir en quelques secondes, exploser de l’attente que tu m’as fait subir.
La chaleur sur mon cul. La chaleur dans mon ventre. Ce frisson sans fin qui parcourt ma peau. Ta main qui caresse doucement ma fesse rougie. C’est dans cet instant-là que j’existe. C’est dans le lâcher-prise que tout prend son sens. C’est dans la douleur du plaisir que j’explose enfin.
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Photo tumblr Texte inspirée par cette photo (merci Maxime pour ce regard <3), Julien Doré et l’heure tardive d’une insomnie